On estime au Sénégal que près de 6 millions de petits agriculteurs et d’éleveurs qui vivent dans les zones arides écologiquement fragiles sont devenus chroniquement vulnérables à l’insécurité alimentaire. Les principales causes de cette situation sont la dégradation des terres, le déclin de la fertilité des sols et les effets du changement climatique. Pour traverser la période de soudure, beaucoup de familles d’agriculteurs et d’éleveurs au Sénégal ont adopté des mécanismes tels que les prêts abusifs, la vente de leurs animaux, la consommation de leurs stocks de semences ou bien même la réduction du nombre de repas quotidiens. Ainsi, elles sont prises dans une spirale infernale de baisse de productivité, de perte d’actifs et de piège de la faim et de la dette. Une situation qui risque de s’empirer avec cette crise qui frappe le monde relativement au conflit russo-ukrainien qui est aujourd’hui à son 5ème mois. Un conflit dont les impacts se font déjà sentir sur le continent africain principalement au Sénégal où on note une flambée vertigineuse des prix des denrées de première nécessité.
Aussi et même s’il faut le reconnaître, l’Etat du Sénégal dans sa politique d’assistant avec les bourses familiales octroyées aux personnes les plus démunies, les cartes d’égalités des chances aux personnes vivant avec un handicap, le relèvement de la pension de retraite, entre autres, il n’en demeure pas moins que la menace est toujours là et bien présente pour hanter le sommeil de tout un peuple. La peur du lendemain est devenue la principale préoccupation de ces populations qui ne savent plus à quel Saint se vouer. Ce d’autant qu’il est avéré l’assistanat, même s’il est pour régler des problèmes ponctuels, n’a jamais été une solution pérenne encore moins une alternative durable. Pire, Maintenir quelqu’un dans la dépendance et l’assistanat équivaut, à n’en point douter, à tuer en lui le sens de l’initiative et l’esprit d’entreprise. C’est en quelque sorte promouvoir la politique avilissante « de la main tendue » qui tue en l’homme toute volonté de s’affranchir et de recouvrer son autonomie.
Pour renverser cette tendance, plusieurs instruments ont été développés parmi lesquelles la calebasse de solidarité. Cette dernière est un instrument issu d’un processus de développement participatif de l’innovation au Sénégal soutenu par le programme d’Action de Carême Suisse. A travers ses principes et son mode de fonctionnement, la calebasse de solidarité aide les familles démunies à accéder à l’alimentation sans tomber dans la spirale de l’endettement et de la faim. Selon les résultats du suivi du monitoring de 2021, il existe 1.606 calebasses de solidarité au Sénégal avec 54.814 membres dont 50.865 femmes et 3.949 hommes. Ces personnes ont pu mobiliser grâce à l’Apport Volontaire et Anonyme communément appelé (AVA) plus de 80 millions de F CFA. Le nombre total de crédits octroyés par ces calebasses pour la nourriture est de 6.386 pour un montant global de plus 52.629.231 F CFA. Cet instrument, parmi tant d’autres, montre encore une fois que les populations locales disposent en leur sein de la créativité et de la résilience pour lutter contre la faim. Nous devons juste les organiser et les guider.
Par Djibril THIAM
Coordinateur national Action de Carême