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Entretien avec …

……Madame Ndiaye, Ndeye Ndébane Wade,

Coordonnatrice assistante d’Action Carême Suisse au niveau du Sénégal

« La stratégie art culinaire est résiliente au niveau de notre programme »

Un des axes majeurs du programme pays d’Action de Carême Suisse au Sénégal, l’art culinaire occupe une place importante dans les stratégies de lutte contre la soudure et l’endettement mises en échelle au niveau des calebasses de solidarité. Aussi et pour la coordonnatrice assistante dudit programme pays Sénégal, Mme Ndiaye, au-delà du fait qu’il participe au renforcement des connaissances et compétences des bénéficiaires pour améliorer leur sécurité alimentaire, l’art culinaire est un puissant levier sur lequel les populations peuvent s’appuyer pour booster leur capacité de résilience.

Coordinatrice assistante AdC-Sénégal

Peut-on avoir une idée de ce qu’est l’art culinaire dans le programme pays d’Action Carême Suisse.

Mme Ndiaye : Nous allons, avant tout, faire un petit rappel du programme pays d’Action de Carême Suisse au Sénégal. Action de Carême est une organisation catholique basée en Suisse en Lucerne et qui intervient au Sénégal depuis les années 70. Elle intervient au dans neuf régions du pays  avec dix organisations partenaires. Nous  avons des organisations partenaires internes et quatre organisations partenaires externes. Toutes ces organisations sont là pour la mise en échelle de la stratégie calebasse de solidarité.

Maintenant si nous revenons à la question de savoir ce que c’est que l’art culinaire au niveau du programme pays. Nous disons que ce programme travaille dans le droit à l’alimentation et le genre. Le genre étant une stratégie qui est transversale au niveau du programme pays, nous portons une attention particulière sur cet axe au niveau du programme. Tous les partenaires travaillent pour un programme de lutte contre la soudure et l’endettement. Et pour mener à bien cette lutte, nous travaillons sur dix stratégies parmi lesquelles, nous avons celle qui est la plus connue, il s’agit de la calebasse de solidarité.

 Nous avons aussi d’autres stratégies qui entourent la calebasse qui sont au nombre de neuf dont l’art culinaire. Selon notre contexte de lutte contre la soudure et l’endettement, l’art culinaire est défini comme l’ensemble des compétences dont dispose une personne pour améliorer son alimentation. Des compétences qui passent par la transformation et la valorisation du surplus de production, la valorisation des produits locaux de façon générale et la révision des mets traditionnels. Car en effet, il y a des mets que nos grands parents mangeaient au sein des ménages qui n’avaient aucun danger du point de vue santé qu’il nous faut revisiter pour voir comment les revaloriser afin de les ramener au goût du jour dans les ménages. Pour simplement dire que l’art culinaire c’est l’ensemble des connaissances et compétences dont dispose une personne pour améliorer sa sécurité alimentaire.

Quelles sont les stratégies développées par le programme pays Sénégal pour promouvoir l’art culinaire auprès de ses cibles ?

Pour chaque stratégie nous passons par le diagnostic de la soudure et de l’endettement dans la zone. Après diagnostic, la première solution est la mise en place des calebasses de solidarité qui sont notre porte d’entrée. Ensuite, nous essayons de développer les neuf autres stratégies. Etant entendu qu’avant de les développer, il faut au préalable que le besoin soit ressenti au niveau des bénéficiaires ou des partenaires. Si le besoin est ressenti, nous essayons de développer la stratégie. L’approche consiste d’abord  à une formation théorique  sur les connaissances  de l’art de culinaire pour les membres des calebasses de solidarité, parce que notre priorité c’est les calebasses de solidarité qui sont notre porte d’entrée. Ensuite nous faisons une démonstration culinaire pour voir l’application des acquis théoriques. Après cette première étape nous passons à un dispositif de suivi de l’application des connaissances. Lequel suivi se fait au niveau des ménages. En effet au niveau de chaque partenaire nous disposons d’une équipe technique. A travers ces dites équipes techniques  nous avons des coordonnateurs ou des chargés de programme et des animateurs à charge de suivre le développement des stratégies. Les animateurs vont aller au niveau des ménages avec un dispositif de suivi monitoring que nous avons mis en place au niveau de la coordination nationale pour voir l’application des connaissances acquises lors de la formation relative à l’art culinaire avec les membres des calebasses de solidarité. Donc retenons d’abord ces trois étapes que sont : L’étape zéro qui est l’identification des besoins qui émanent des membres des calebasses de solidarité, l’étape 1 qui consiste à la formation théorique, la seconde étape repose sur la démonstration culinaire pour vérifier l’acquisition des connaissances théoriques qui ont été dispensées enfin la troisième étape c’est le suivi qui est assuré par les équipes techniques qui sont au niveau de la base.

Quels effets ont été notés aujourd’hui à travers la valorisation du patrimoine culturel et alimentaire ?

C’est une question très importante parce que c’est çà notre objectif. L’effet le plus recherché c’est la promotion d’un système alimentaire durable. Je l’ai dit tantôt, le Programme Pays travaille surtout dans le droit à l’alimentation durable et le genre. Donc si nous parvenons à constater que nous avons fait une contribution sur la promotion d’un système alimentaire durable, nous ne pouvons que nous en glorifier. De façon plus spécifique, nous  essayons de limiter l’utilisation  des produits toxiques tant au niveau des personnes que de l’environnement.

Sur la santé humaine, la stratégie consiste à des séances de formation sur la fabrication  et l’utilisation  des bouillons locales pour éviter certains produits et additifs alimentaires que tout le monde connait et que l’on trouve sur le marché. Lesquels produits, de par leur taux de toxicité, sont à la base de la plupart des maux dont souffre la population sénégalaise. Pour dire que nous, à notre niveau, nous essayons de faire une sensibilisation tout en apprenant à nos bénéficiaires comment faire ces bouillons locales pour les utiliser dans les ménages en lieu et place de ces produits et autres additifs alimentaires qui sont sur le marché et c’est quelque de très important.

L’autre aspect c’est la limitation de ces produits toxiques au niveau de l’environnement à travers la pratique de l’agro-écologie. Laquelle pratique culturale est une de nos stratégies développée au niveau Programme Pays Sénégal en ce sens que les produits agro-écologiques sont moins dangereux pour la santé humaine et l’environnement. C’est là, un des effets que j’ai notés sur la revalorisation du patrimoine culturel et alimentaire qui a disparu depuis. Un autre effet est aussi une bonne nutrition chez les enfants et les femmes enceintes. Là,  je donne l’exemple d’un partenaire comme Agrécol /Afrique. Ils font des pesées périodiques pour les enfants de zéro à cinq ans mais aussi des plats assez riches en nutriments pour la même cible femmes-enfants. Des plats comme le Ngourbane dont raffolent mes parents « sérères » par exemple. Un mets  qui avait tendance à disparaitre et qui ne réapparaissait qu’en cas de pépins sanitaires. Toujours dans le cadre des effets que j’ai notés, il y a la revalorisation de ses plats traditionnels qui permet réduire le gaspillage des ressources alimentaires. Car le surplus ou l’excédent de la production agricole est actuellement transformé par les femmes qui ont fini d’acquérir des techniques leur permettant de transformer et de valoriser ces produits qui pourrissaient très vite. Et quand je dis transformation ce n’est pas pour parler des techniques conventionnelles qui sont là mais plutôt de transformation naturelle, biologique et adaptée à la santé humaine.

Est-ce à dire que ces techniques de revalorisation du patrimoine culturel et alimentaire sont déterminantes dans la capacité de résilience de vos partenaires ?

Si nous parvenons à sécher et stocker tout cet excédent de production pour les utiliser pendant les périodes difficiles de la soudure, c’est évident que cela va contribuer au renforcement de la capacité de résilience des populations. Il y a aussi que la revalorisation du patrimoine culturel et alimentaire est pour augmenter la capacité de résilience de nos bénéficiaires en ce sens que la stratégie art culinaire est résiliente au niveau de notre programme. A titre d’exemple, lors de la période Covid-19, c’était un peu difficile puisque les marchés étaient fermés, l’accès à certaines denrées de première nécessité n’était pas facile. Mais les populations sont parvenues à mettre à profit leurs compétences et leurs capacités de stockage et de transformation de ces produits agro-écologiques pour la préparation de certains mets dans les ménages. Cela les a vraiment aidées à traverser sereinement cette période. Maintenant, la question qu’il faut se poser est celle de la périodicité de cette résilience là. Est-ce que si cette période de Covid était plus longue, nos bénéficiaires auraient été capables de résilience dans le long terme. Tout compte fait, ce qu’il l’on peut retenir aujourd’hui c’est que nos bénéficiaires sont résilients dans le court terme et qu’il nous faut développer d’autres actions pour rendre la stratégie beaucoup résiliente.

Propos recueillis par Sidy Dieng

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