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PAR DJIBRIL THIAM Coordonnateur national d’Action de carême Suisse au Sénégal : « Consommons local, la seule voie par laquelle nous devons passer pour lutter contre la faim dans ce pays »

 

Que c’est bien dit ! Le président de la république se serait limité à cette phrase lors de son adresse à la nation à l’occasion de la célébration du 62ème anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale que personne n’aurait trouvé à redire.  « Il nous faut produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons ». Toute une vision agricole et de souveraineté alimentaire déclinée en une seule phrase. Plein de sens, ce passage du discours du chef de l’Etat est la preuve, s’il en était encore besoin, qu’il a compris et bien compris que c’est là, la seule voie par laquelle nous devons passer pour gagner la lutte contre la faim dans ce pays particulièrement pendant la période de soudure et l’un de ses corollaires, l’endettement. Aujourd’hui avec cette guerre Ukraine-Russie qui secoue l’Europe, les prémices d’une flambée du prix du blé et du maïs se font déjà sentir. Surtout que ces deux pays en conflit totalisent en moyenne 29% des exportations mondiales de céréales.  Aussi, ces prémices et la peur d’une éventuelle crise alimentaire qu’elles engendrent sont assez éloquentes pour démonter comment l’importation alimentaire peut rendre des pays comme le Sénégal aussi dépendants que vulnérables aux chocs externes. Elles donnent, en effet, tout son sens au vieux proverbe local qui dit que « Boula saytané sori bangané bokoumasi ». Un conflit qui se passe à des milliers de kilomètres de mon village Ndiédieng peut impacter la vie des chefs de familles qui y vivent et qui risquent de débourser plus d’argent pour n’assurer que le petit déjeuner de leurs familles. Cependant, force est d’admettre qu’aussi pertinente et claire que puisse être cette vision du chef de l’Etat, elle n’aura d’effet qui si, tous les acteurs : Etat, organisations de consommateurs, organisations de producteurs, entre autres, se l’approprient et s’emploient de façon responsable à la traduire en acte. Que chacun, de quelque bord qu’il se situe, joue son rôle et assume pleinement ses responsabilités. Etant entendu que cet engagement citoyen nécessite, de l’Etat central, la mise en place de textes réglementaires et des dispositions aptes à limiter très sensiblement notre dépendance de l’étranger pour nous nourrir. A simple titre d’exemple, il pourra être question d’exiger, de la grande distribution qui est venue s’installer en masse depuis quelques années dans notre pays, qu’elle n’importe plus des produits alimentaires dont la production locale est assez suffisante pour couvrir le marché national. Comme c’est le cas avec l’oignon où l’Agence de régulation des marchés gèle les importations pour protéger les producteurs qui approvisionnent le marché national. Une autre disposition pourrait être d’exiger, qu’au cours des rencontres financées à partir des moyens publics, que les produits locaux soient imposés pour la restauration des participants. En lieu et place des boissons gazeuses ou des plats dont la majorité des ingrédients nous viennent d’ailleurs, demander qu’on nous serve des jus locaux et des plats bien de chez nous concoctés à base de produits locaux. Il me revient à l’esprit quand, lors d’une rencontre des organisations paysannes, le sieur Mamadou Cissokho, un grand Homme, a interpellé toute l’assistance au moment du déjeuner. « Vous parlez du consommer local, mais posons-nous la question de savoir qu’est-ce qu’il y a de local dans ce que nous sommes en train de manger ici même dans cette salle de restauration. La boisson c’est coca-cola, le riz nous vient des pays asiatiques l’huile est du soja ». Pour simplement dire tout le travail d’approche qu’il sied de faire en étroite collaboration avec le pouvoir étatique pour traduire en acte cette vision du chef de l’Etat.

Pour ce faire, tous peuvent convenir qu’il va falloir fondamentalement changer de paradigme. Pour simplement dire que les organisations paysannes se devront de travailler davantage à la mise à disposition sur le marché d’une production qualitative et quantitative et qui préserve la santé humaine et de l’environnement. Mais aussi que les consommateurs acceptent de changer leurs habitudes alimentaires. Quelle honte y a-t-il à présenter à un africain pur-sang, fut-il chef d’Etat, ministre ou invités de quelque rang qu’il puisse être, du « Mbakhalou Saloum » ou du « Lakhou Neuteri » à la place d’un plat européen. Soutenons les produits qui sortent de nos exploitations familiales et consommons-les. Il y va de notre santé, de la protection de notre environnement mais aussi et surtout de notre sécurité alimentaire.

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