Aujourd’hui plus jamais, les pays de la zone Afrique plus précisément subsaharien, comme le Sénégal, se doivent de faire leur propre introspection pour comprendre qu’aucune nation ne peut se développer si elle ne maîtrise pas au moins 80% le monopole de sa sécurité alimentaire. L’épée de Damoclès qui perturbe le sommeil de tous ces états depuis le début du conflit ukrainien est assez éloquente pour conforter cette vision qui veut que chaque pays doive pouvoir au moins s’appuyer, en priorité, sur sa production locale pour asseoir les bases de sa sécurité alimentaire. Aussi est-il regrettable de voir qu’au Sénégal, il a suffi de moins de trois mois seulement de conflit entre deux pays d’un autre continent, pour que les impacts commencent à se faire sentir. Pis, que ces menaces planent sur la sécuritaire alimentaire est aussi des plus déplorables même si, quelque part, toutes les personnes avisées pouvaient s’y attendre. Car en effet, il est inadmissible que des Etats de tout un continent reposent presque l’entièreté de la base de leur alimentation sur des produits importés. Aussi le choix du Sénégal, un pays à vocation agricole et sylvopastorale d’axer son alimentation de base sur des produits comme le riz, le blé et le maïs, est incompréhensible. La première des conséquences est que déjà la banque africaine de développement, Bad, envisage d’organiser une réunion des ministres africains des finances et de l’agriculture pour travailler à la mise en place d’un programme devant permettre la mobilisation d’au moins 500 milliards de francs Cfa. Ladite somme sera destinée au soutien de l’agriculture africaine afin de mettre le continent à l’abri d’une éventuelle crise alimentaire provoquée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En effet ladite institution financière, Bad, pense que l’augmentation des prix du blé, du maïs et du soja va certainement aggraver l’insécurité alimentaire et entrainer en conséquence une inflation.
Ce d’autant que, si l’on en croit un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Cnuced, « entre 2018 et 2020, pas moins de 25 pays africains ont importé plus d’un tiers de leur blé des deux pays en conflit et quinze d’entre eux en ont importé plus de la moitié. De façon plus explicite, ledit rapport d’indiquer qu’au courant de ces deux années, 2018-2020, les importations de l’Afrique en provenance de la Russie ont atteint 3,7 milliards de dollars américains. Le blé russe représente 32% du total de ces importations contre 12% en provenance de l’Ukraine pour un montant de 1,4 milliard américain ». Pour simplement dire que le risque de troubles civils, de pénuries alimentaires et de récessions induites par l’inflation ne peut être écarté. Surtout compte tenu de la fragilité de l’économie mondiale et des pays en voie de développement qui ne se remettent encore des contrecoups de la pandémie Covid-19.
Aussi le programme de mobilisation de fonds, 500 milliards de Francs Cfa, par la banque africaine de développement Bad, se veut-il dans la dynamique d’accroissement des productions africaines de blé, de maïs, de soja. Lequel accroissement devra passer par un recours à des technologies adaptées au climat et des variétés qui résistent à la chaleur et à la sécheresse. Et à ce titre, la Bad d’indiquer que des variétés de blé résistantes au climat sont déjà à l’essai dans certains pays du continent. « Des données du département d’Etat américain de l’agriculture font état d’une production de 27,7 millions de tonnes de blé produite en 2020-2022 en terre africaine particulièrement au Soudan, en Afrique du Sud, en Ethiopie, Au Kenya ». Une expérience assez salutaire qui devrait être soutenue afin qu’elle fasse tache d’huile sur l’étendue du continent africain. Car, il reste évident que si la crise actuelle perdure, les répercutions pourraient être terribles pour ce dit continent fortement dépendant de ces deux pays en conflit. La menace est d’autant réelle que les belligérants ont menacé d’arrêter leurs importations vers tous les pays qui leur sont hostiles. Des menaces qui pourraient expliquer la posture prudente de certains pays, comme le Sénégal, qui ont choisi de jouer la carte de la neutralité.
SIDY DIENG