« Le programme est en train de réfléchir sur comment organiser au niveau national une foire de troc alimentaire »
Thierno Aliou BA a été l’un des tous premiers coordinateurs d’Action de Carême Suisse au Sénégal. Rencontré à Dodel, siège de l’Organisation partenaire Bamtaaré dont il fut le président, M. Thierno Aliou Ba retrace la genèse de la calebasse de solidarité dans cette zone. Dans cet entretien, il a salué la clairvoyance de la nouvelle génération de la coordination nationale qui œuvre toujours pour le droit à l’alimentation et la lutte contre la soudure et l’endettement à travers des actions endogènes.
Vous avez eu à diriger la coordination d’Action de Carême, quelle approche avez-vous mis en place pour accompagner les populations ?
Thierno Aliou BA : « L’idée de départ avec Action de Carême (ADC) a commencé en 2000. C’était une véritable Recherche/Action. On s’était rendu compte que les démunis n’avaient pas accès à la solidarité nationale. Il fallait alors trouver un moyen pour s’approcher des campements et des petits villages et, pour cela, il fallait qu’il y ait une organisation légère comme l’USE, qui est une grande organisation pour porter le projet. C’est delà que le projet Bamtaaré a vu le jour. Dans la démarche et la méthodologie, nous mettions les populations à l’avant de nos plans de travail. Comme la cible c’est les petits villages et que tout le monde se connait, nous nous sommes dit qu’il faudrait tout faire pour que les gens expriment eux-mêmes leurs propres besoins. Une fois cela fait, nous les avons mis dans une dynamique de recherche/Action. Ensemble avec Action de carême Suisse, nous avons ficelé le premier projet qu’on a appelé Programme Interne Villageois (PIV).
Comment est née l’idée de la calebasse à Bamtaaré ?
L’idée de la Calebasse est arrivée et nous l’avons baptisée calebasse de Solidarité puis nous nous sommes posé la question de savoir s’il fallait demander des cotisations aux membres comme le font les tontines ou bien si nous voulons faire de la solidarité. C’est de là que l’idée d’appui a été adopté. Ainsi il a été décidé que chaque membre apporte ce qu’il peut. A la fin du mois, chacun membre prend ce dont il a besoin. Cette idée a germé et fait son petit bonhomme de chemin. De fil en aiguille, les expressions augmentent, nous nous sommes ainsi dit que pour renforcer la calebasse, il faut qu’il y ait des actions de production. Nous avons alors mis en place les champs collectifs. Dans le même sillage, nous avons organisé des journées de cueillettes. En effet, dans notre environnement nous bénéficions des fruits locaux saisonniers, il fallait aussi les exploiter. Avec toutes les potentialités de la zone, nous avons pu mettre en place une boutique villageoise. L’argent tiré de ses activités, au lieu que chacun aille faire ses emplettes à une dizaine de kilomètres, nous allons faire un achat groupé. Ceci nous permet d’avoir des produits de première nécessité pour tout le village à des coûts moindres .Des débuts de solutions commencent à voir le jour. Ce n’est pas un programme préétabli, mais plutôt un programme construit à partir de ce qui se fait à la base. C’était çà le secret des caisses qui étaient une véritable recherche/Action pour sortir les populations de la précarité qui prévalait dans leurs villages.
Et aujourd’hui quelle appréciation faites-vous de tout ce chemin parcouru ?
Je me réjouis que l’on soit arrivé à ce stade des calebasses. Cela prouve que cette stratégie est dynamique, résiliente et pérenne. Et quand on parle de sécurité alimentaire, la calebasse de solidarité constitue un véritable levier de développement, parce que c’est une démarche inclusive qui regroupe toutes les couches de la société. Aujourd’hui elle a montré ses preuves avec des milliers de calebasses de solidarité installées dans les dix régions sur les 14 que comptent le Sénégal.
Peut-on dire que la stratégie calebasse de solidarité est une approche résiliente ?
Les bailleurs qui nous accompagnent pouvaient mettre des centaines de millions de nos francs dans une zone, sans que l’objectif d’autonomisation de la cible ne soit atteint. Par contre avec la stratégie calebasse de solidarité, c’est la population elle-même avec ses maigres moyens qui parvient à rassembler des milliers de membres pour lutter contre des causes nobles comme la soudure et l’endettement. C’est pourquoi je soutiens que la calebasse de solidarité véhiculée par la coordination nationale est soutenable et résiliente. Je peux affirmer que c’est une bonne approche. Certains fondateurs sont partis et d’autres viendront. La ligne directrice restera toujours là et les populations continueront d’adhérer à la cause. Mon rêve aujourd’hui est qu’il y’ ait un très grand réseau fédératif qui va montrer qu’une autre voie de développement est possible. La coordination nationale y arrive parce que le Réseau national des Cds a vu le jour. C’est pourquoi je suis ému et rassuré également. Je rends grâce à Dieu parce que la coordination nationale est assurée par une nouvelle génération. Le poids de l’âge ne nous permet plus d’être partout, mais avec les jeunes qui ont pris les destinées, la relève est assurée. Je ne peux que les féliciter du travail qu’ils sont en train d’accomplir. Très sincèrement du fond du cœur, je dis Dieu merci parce qu’il y a des jeunes qui ont une très bonne vision et qui ont de l’ambition. Ils sont des visionnaires. C’est pourquoi, je leur ouvre mes portes et ils ont ma bénédiction. Il faudrait que nous les anciens nous les accompagnions à titre consultatif et non décisionnel car nous avons fait notre temps.
Avec le recul comment vous voyez votre organisation?
Certes, je suis le président de Bamtaaré, mais on devrait dire président d’honneur parce que j’ai eu à préparer une équipe constituée de jeunes pour prendre le relais. Aujourd’hui j’ai remis Bamtaaré entre les mains des jeunes qui peuvent diriger les destinées de Bamtaaré au bon port. Tout le travail revient à l’équipe de Bamtaaré parce que nous avons fait notre temps. C’est à elle de relever le défi et de suivre les directives de la coordination nationale qui œuvre pour l’épanouissement des familles. Cependant, s’il y a des difficultés, nous ne fuirons pas devant nos responsabilités, nous irons échanger avec l’équipe locale et la coordination nationale. Heureusement que nous avons toujours travaillé dans une parfaite harmonie tout en veillant à la mission, à la vision avec toujours en bandoulière la même logique de travail.
Propos recueillis par Ababacar GUEYE